Alone in the Dark ...

Nous sommes en 1992. Je rentre en 6ème, en classe informatique. C'est aussi cette année là que mes parents m'achètent mon premier PC. C'était il y a 20 ans.

1992 c'est aussi une année charnière dans l'histoire du jeu vidéo. L'année de la sortie d'un jeu qui révolutionnera toute l'industrie du jeu vidéo pour les générations à venir. L'année de la sortie de Alone in the Dark - un jeu 100% français.

 

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Descriptif  Alone in the Dark sur PC est un survival-horror qui vous propose d'évoluer dans le mystérieux manoir de Derceto, peuplé de créatures démoniaques. Vous incarnez au choix le détective Edward Carnby ou Emily Hartwood, nièce du propriétaire, pour percer les mystères de cette inquiétante demeure.
Editeur  Infogrames
Développeur Infogrames
Type  Survival-horror
Sortie France 1992

 

 

Pourquoi ce jeu fut-il si révolutionnaire ? Il y a plusieurs raisons à celà. Regardons d'abord l'histoire du jeu et son gameplay. Début du XXème siècle. Jeremy Hartwood, riche propriétaire d'un manoir colonial s'est suicidé chez lui dans des mystérieuses circonstances. Vous commencez l'aventure en incarnant soit son héritère (sa nièce) qui vient prendre possession des lieux, soit un détective privé, Edward Carnby, envoyé sur les lieux pour une expertise.

Vous vous retrouvez vite enfermés dans cette sinistre demeure portant le doux nom de Derceto, et votre unique but sera de réussir à en ressortir ... vivant ! Ce genre de sénario vous rappelle vaguement quelque chose ? Bien sûr ! Plus tard on appellera ça le Survival Horror et Resident Evil en deviendra le plus digne représentant.

Mais c'est bel et bien Alone in the Dark qui fut le pionnier du genre, bien qu'à l'époque on qualifia simplement Alone in the Dark de "jeu d'aventure". 

 

Néanmoins il y avait dans ce jeu une dimension phantasmagorique supplémentaire qui a séduit une génération entière. A cette époque là, l'industrie du jeu de rôle conventionnel (en livres, autour d'une table) bat son plein. La communauté francophone est très active et informatique et jeux de rôles étaient intrinséquement liés. Et s'il y a bien un jeu de rôle dans l'histoire qui a su créer une atmosphère glauque, noire et sinistre à souhait dans une époque post-romantique c'est bien l'Appel de Cthlhu, basé sur les nouvelles de HP Lovecraft.

 

Et bien, même si ce n'était pas forcément très explicite - Alone in the Dark se déroulait dans cet univers lovecraftien ! Et quel plaisir de se balader dans les bibliothèques de feu Jeremy Hartwood et de tomber sur un "fragment du Livre d'Abdoul", que les connaisseurs reconnaîtront comme le Necronomicon, et encore un manuscrit du De Vermiis Mysteriis ... Les monstres également. Le Vagabond Dimensionnel qui garde la bibliothèque, le chtonien - ver énorme, qui se déplace dans les cavernes sous la maison et les innombrables références à la mythologie des grands anciens et des dieux extérieurs - comme Shub Nigurath, le bouc aux mille chevreaux. Celui qui ne connaissait pas l'Appel de Cthulhu sera probablement passé à côté de le richesse sensationnelle de ce jeu, mais l'amateur, et plus particulièrement le rôliste, aura peut-être passé des heures dans la bibliothèque simplement pour lire tous ces livres et s'imprégener de la dimension réelle de cet oeuvre.

Mais parlons du jeu et de l'aventure qu'il propose. Il était très difficile, à l'image de la plupart des jeux d'aventure de l'époque, et le héros passait son temps à mourir. Tout n'était que puzzle et énigme. Dans chaque pièce de la maison il fallait faire quelque chose pour ne pas mourir. Utiliser un objet trouvé précédemment, activer un mécanisme, et parfois être très habile avec son clavier. Il ne suffisait pas de prendre une arme et shooter sur tout ce qui bouge - des armes et des munitions, il n'y en avait quasiment pas. Il fallait donc toujours feinter, trouver la combine et mourir plusieurs fois avant :) Il était réellement difficile mais quel plaisir quand on arrivait à avancer et qu'on pouvait sauvegarder. 

Après avoir visité toute la maison et découvert ce qu'il se tramait dans celle-ci - à savoir la malédiction exercée par un ancien sorcier dont le corps repose dans les sous-sol, le seul moyen de survivre, c'etait de mettre un terme à la malédiction. Direction les sous-sol pour un finish vraiment très hard ! Un peu comme dans une partie de Cthulhu classique, le jeu mélait donc une phase plus orientée investigation (avec la découverte de l'histoire), et une phase plus orientée action sur la fin - avec le combat contre le sorcier au terme d'un casse-tête vraiment ignoble de difficulté ! ^^

C'est avec un véritable plaisir, et avec une certaine curiosité emprunte de nostalgie que j'ai refait ce jeu il y a quelques années. Certes il a vieilli, mais le plaisir était toujours au rendez-vous ! La version CD était accompagnée d'une bande-son magnifique qui me sert encore de musique d'ambiance pour mes parties de Cthulhu c'est dire !

 

Notons que la bande son et le jeu peuvent être téléchargés gratuitement et légalement sur le site d'abandonware The Lost Treasures FR.

 

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Mais si le jeu a marqué sa génération et celle à venir, c'est aussi et surtout pour la prouesse technique réalisée par son créateur - Frédéric Raynal.

 

En effet, ce jeu est le premier à pouvoir se targuer d'être en 3D en temps-réel. En réalité ce sont des personnages 3D temps-réel évoluant dans de la 3D précalculée. Certes aujourd'hui ça a vieilli, c'est très cubique, peu de polygones, mais dans le contexte de l'époque, où il n'y avait pas de carte 3D, où les cartes graphiques supportaient tout juste le Super-VGA et où les processeurs voyaient tout juste l'arrivée des 486 avec 4Mo de RAM, c'est une prouesse sans précédent.

 

La deuxième véritable prouesse, ce sont les animations vectorielles présentes pour la première fois dans un jeu vidéo. Rappelons qu'à l'époque la puissance de calcul était extrèmement faible - rien à voir avec aujourd'hui évidemment. Et d'une génération de PC à une autre, cette puissance variait énormément, tout comme l'horloge interne du PC (allant de 8 à 40 MHz) . C'était un défi colossal pour les développeurs de jeux vidéos de réussir à produire des jeux capables de tourner sur toutes les machines, et notamment de garder la même "vitesse" de jeu sur toutes ces machines, quelle que soit leur puissance. Alone in the Dark s'est inscrit là encore comme le pionnier grâce à ses animations vectorielles - c'est-à-dire non pré-calculées. Ce qui était une première mondiale. En fonction de la vitesse de l'ordinateur, c'est le processeur lui-même qui détermine le nombre d'images intermédiaires à calculer et à afficher pour conserver des animations d'une durée totale toujours fixe, indépendamment de la puissance de l'ordinateur.

Cette technique d'animation est devenue ensuite la base du développement 3D et notamment à travers les technologies d'accélération 3D que nous avons connues au cours de la dernières décennie.

 

Autant de bonnes raisons pour souhaiter un bon anniversaire à Alone in the Dark, fêtant cette année ses 20 ans et pour féliciter Frédéric Raynal pour son oeuvre et sa carrière dans le domaine du jeu vidéo. Car, même si au final peu de gens ont eu réellement conscience de tout ça à cette époque là, je crois que bien peu de personnes peuvent se vanter d'avoir eu un tel impact sur le jeu vidéo tout au long des deux décennies qui suivirent ...

Une véritable éternité dans ce milieu là.

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Les souvenirs :

Certains se souviendront peut-être encore de l'émission Micro Kid's diffusée les mercredi après-midi ? Frédéric Raynal, Dieu vivant du gamedesign pour toute une génération n'avait que 26 ans à l'époque et il venait présenter son jeu :

Catégorie : Old School